Cette comédie policière nous amène dans les méandres des tourments vécus par l’auteur illustre Arthur Conan Doyle mais depassé par sa création : le célèbre Sherlock Holmes.
Il fallait bien connaître l’univers du célèbre détective pour en écrire une pièce. Pari réussi pour l’holmésienne Ophélie Raymond qui signe ici son premier spectacle.

Ainsi, dans la belle salle du Théâtre des Enfants du Paradis, nous sommes invités au 221b Baker Street où le temps nous ramène en 1893. Arthur Conan Doyle est penché sur son bureau en proie à des idées sombres. Il ne supporte plus que ses lecteurs l’effacent au profit de sa créature Sherlock Holmes qu’ils pensent réel.C’est à tel point que l’auteur reçoit des monceaux de lettres pour lui qui plus est, adressés chez lui. De plus, pour envenimer le tout, la page d’une potentielle prochaine de ses œuvres reste obstinément blanche : Conan Doyle n’arrive plus à écrire, ce qui amène dans son esprit bien malmené la présence non désirée de ses personnages qui le torturent ainsi jour et nuit .
Quel mauvais coup du sort d’en arriver là en ayant tout sacrifié, jusqu’à sa propre vie intime, sa fidèle femme et leurs enfants. Cette dernière n’en peut d’ailleurs plus et songe à le quitter définitivement. Comment résoudre ce dilemme afin de retrouver son identité d’auteur célébré et sa vie d’époux et de père de famille ? Telle est la question…

Le metteur en scène Renato Ribeiro – Geek de Maxime Minault, Belles Amies d’Anne Cardona, Molière ou le dernier Impromptu d’Hubert Chevaliera- choisit d’y répondre en campant ses deux personnages dans deux espaces scéniques distincts, séparés par un vortex cosmico-magique . D’un côté, vivent Conan Doyle et sa femme , de l’autre evoluent fantomatiquement Sherlock Holmes et son inséparable Dr Watson. Chaque camp rivalise avec l’autre afin de dominer la partie qui, telle un duel, ne peut que mal se finir pour l’un ou l’autre de ses adversaires.
L’univers scénographique est recherché avec des détails soignés -costumes de Léa Peixoto, musiques de Christophe Sommier, lumières d’Aurélie Hafner-, afin d’amener une plongée authentique chez le spectateur dans cette quête holmésienne. Le parti pris de traiter le sujet dramatique de façon tragi- burlesque est original avec un clin d’oeil fait au monde Burtonien avec un côté cabaret des curiosités. Cependant, malgré des trouvailles judicieuses avec les va et vient des protagonistes d’un univers fantomatique à celui réaliste de Conan Doyle, malgré les rencontres passionnées et conflictuelles entre ces quatre comparses, les relations entre tous les personnages semblent manquer paradoxalement de chair et de sang. Il est en effet à regretter que les émotions subtiles et fortes, liées aux contextes dramatiques subis par les protagonistes, ne passent pas autant qu’on aurait souhaité les ressentir. Citons l’épisode où la femme de Conan Doyle, perpétuellement esseulée et avec leurs enfants à sa charge, veut le quitter. Ce qui devrait être un coup de poignard pour elle et l’auteur semble être juste un détail de leur vie pourtant bouleversée par les névroses du créateur. De même, le ton dramatique nous paraît parfois mal à propos dans les scènes entre les duellistes Conan Doyle et Sherlock Holmes, ce, bien qu’on comprenne le besoin de mettre en évidence l’opposition entre leurs deux mondes. La situation atteint son point névralgique en ce tournant décisif pour l’auteur qui doit choisir de faire vivre ou mourir le célèbre détective. L’émotion là -encore nous semble effacée au profit du jeu théâtral un peu trop marqué par son empreinte tragi- burlesque.
Le public venu en nombre apprécie et rit lors de réparties bien envoyées entre Sherlock Holmes et Dr Watson qui décidément se chamaillent comme de vieux garnements obstinés. La bande son réalisée avec un vrai violoniste achève de créer l’illusion dont celle de jouer du violon, pratique obsessionnelle, entre autres comportements névrotiques, de Sherlock.
Cette pièce est à l’affiche au Théâtre Les Enfants du Paradis les jeudis et vendredis à 20h30 et les samedis à 18h00 et 20h30 ou dimanche à 15h00.
Safia Bouadan

Distribution artistique
Arthur Conan Doyle : Serge Requet
Sherlock Holmes : Guillaume Destrem en alternance avec François Hatt
Dr John Watson, le postier et Moriarty : Maxime Bregowy ou Christophe Sommier
Louisa Doyle et la journaliste : Delphine Husté ou Valentine Riedinger
LIEU
Théâtre Les Enfants du Paradis
34 rue Richer
75009 Paris
Réservations : 01 42 46 03 63
