Quelle belle découverte que ce seul en scène porté avec maestria par le grand comédien Jean-Paul Bordes, se livrant ainsi corps et cœur sur le plateau du théâtre de Poche-Montparnasse ! Ce texte splendide et philosophique de la célèbre auteure-poétesse, essayiste et critique Marguerite Yourcenar prend ici une autre dimension. Il est incarné par un empereur plus vrai que nature dont les tourments, les conquêtes, la politique menée et ses actes de grandeur connus durant son existence sont mis en balance avec ses aspirations intimes, son sens de la liberté, l’amour, l’importance de l’esthétique dans sa vie et ses nombreux rendez-vous manqués avec la mort.
Renaud Meyer revisite les mémoires de l’Empereur Hadrien qui au seuil de sa vie, se penche sur ses souvenirs enfuis : un sentiment de dépouillement et de lassitude le traversent mais agit sur lui comme un baume, comme une pluie d’eau ruisselante, salvatrice, lavant son corps et son esprit. Telle une intense introspection, Hadrien est porté par sa propre méditation intemporelle qui le conduit au seuil de lui-même, à voir l’essence des choses, – en résonance avec le mythe de la caverne de Platon- : cette quête intense le mène ainsi aux pieds de son âme. On suit avec intérêt et émotion, l’esprit revisité par les souvenirs profonds de l’Empereur. Les spectateurs sont pris, comme envoûtés : ils sont invités ce soir-là à entreprendre aussi ce voyage intérieur.

La mise en scène se veut construite dans une scénographie de Marguerite Danguy Des Déserts volontairement épurée mais forte en symboles. Ce seul en scène est aussi porté par une lumière diffuse ou pleine de Jean-Pascal Pracht, axée sur la silhouette, le regard et le geste précis de l’acteur. Il est accompagné par une création sonore et évocatrice de Bernard Vallery. Toutes ces composantes servent au mieux le propos et le jeu dramatique.
Nous sommes conviés à nous immerger totalement dans l’univers intime et intemporel découlant de ces confidences à caractère historique.

Ce texte adapté du roman Les Mémoires d’Hadrien de la grande écrivaine est porté sur la scène avec une certaine force et une étrange vérité issue de ses propres recherches historiques. Il nous plonge de fait dans des questions existentielles d’une singulière modernité. Ainsi, en nos temps si troublés, cette immersion empirique et cette plongée dans l’essentialité des choses, dans la beauté de notre monde nous invitent à redécouvrir un sens profond de la vie.
Jean-Paul Bordes confie que cet Hadrien qui veut conquérir le monde à sa façon lui donne envie de rendre hommage à Philippe Tesson, qui a animé et dirigé ce théâtre du Poche-Montparnasse comme un Empereur ces dix dernières années !
Quelle belle offrande ! L’acteur ajoute que lui aussi pouvait dire Je me sentais responsable de la beauté du monde.
Ce spectacle Les mémoires d’Hadrien est à l’affiche au Théâtre de Poche-Montparnasse du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h.
À découvrir !
Safia Bouadan

Lieu
Théâtre de Poche-Montparnasse
75 Boulevard du Montparnasse
75006 Paris
Réservations
Distribution artistique :
Avec Jean-Paul BORDES
Mise en scène et adaptation : Renaud MEYER
Lumière : Jean-Pascal PRACHT
Création sonore : Bernard VALLERY
Scénographie : Marguerite DANGUY DES DÉSERTS
Costume : Mine VERGÈS
Photographies : Alejandro GUERRERO
