CARPE DIEM de Anna-Maria Bomberger et mis en scène par Anais Alric au théâtre Le Funambule . Cueille le jour sans te soucier du lendemain… vraiment ?


L’écriture, la mise en scène, le décor et le jeu des acteurs fonctionnent efficacement pour servir le propos d’une comédie alerte et dynamique aux confins de l’absurde et de la loufoquerie pour le plaisir des spectateurs…
Tout est vrai ou presque, ou presque vrai, lorsqu’on plonge d’entrée dans la pauvre chambre d’un auteur au réveil, enfermé dans les affres de la fin d’écriture de sa pièce de théâtre. Il y a urgence. Il s’agit d’une commande, de la perspective d’une audition proche, d’une reconnaissance que l’on devine attendue. Voilà que le temps nécessaire se rétrécit brusquement car l’audition aura lieu finalement le soir même. L’urgence n’a plus de délai. Et cette urgence va servir l’auteur… in fine.

L’identification fonctionne à plein sur la condition précaire des auteurs et des artistes mais ne s’arrête pas là. De rebondissements en rencontres de voisinage, toutes plus improbables les unes que les autres, les conditions de la création sont loin d’être au rendez-vous de cette impossible journée. Il faut dire que la galerie des personnages et les situations qui se succèdent sont bien peu propices à la réflexion, encore moins à l’écriture pour ce dramaturge en panne d’inspiration. Le parti-pris d’une comédie absurde fait ici bonne manière à un réel hélas trop familier, reflet d’une époque où les solitudes partagées s’imposent – à contre-cœur ? – dans l’enfermement de couloirs de vie ou de survie, chacun pressé dans ses impératifs d’adaptation à un système qui fait monde et laisse peu de place à l’humain. Ou à la rencontre véritable, à tout le moins.

Tout y est. Ou presque : un fonctionnaire municipal sorti de sa technocratie kafkaïenne appliquant des directives dont il ignore le sens; une actrice, intermittente du spectacle et professeure d’anglais à ses heures afin de compenser son absence de cachets, une jeune voisine en quête de modèle, d’amour et d’un avenir peu clair… des bulles de silences parlés qui se côtoient dans des tentatives de rencontres tragi-comiques. Et un auteur dont le processus de création sombre peu à peu dans la cacophonie de sa journée empêchée et encombrée de ces va-et-vient incessants.

Pourtant, malgré tous ces obstacles, le regard de l’écrivain et son obstination vont lui offrir soudainement une sorte d’insight, tout préoccupé qu’il était jusque-là à gagner en vain le silence et la solitude de sa chambre pour mener à bien son œuvre dans l’attente d’une muse généreuse. Son « eurêka » ? L’autre. Les autres. Ces personnages étaient enfers. Les voilà paradis pour lui. Il aura suffi juste d’un peu de hauteur, d’un regard nouveau, d’une oreille attentive pour s’en inspirer et achever sa pièce.

Derrière l’ordinaire, se trouve, parfois, l’extra-ordinaire. Le quotidien de nos réalités, yeux au plancher de nos aveuglements, recèle bien des surprises. Question de regard justement. Et de posture. La comédie ici interroge la création artistique comme une invitation pour chacune et chacun à cueillir le jour, l’heure et la minute, pour rêver de nos possibles et vivre nos vies rêvées… « Carpe Diem ». Vraiment ?

A l’affiche jusqu’au 4 mai au Théâtre Le Funambule

Emmanuel de Montval

Teaser

Lieu et réservation: Théâtre Le Funambule 53 rue des Saules / 75018 Paris / Accès PMR .

metro ligne 12 Lamarck Caulaincourt / bus 60 ou montmartrobus Bus 60 / Montmartrobus : arrêt Lamarck Caulaincourt

Distribution :
Auteur : Ana-Maria Bamberger . Mise en scène : Anais Alric .

Avec : Owen Doyle, Laurent Clement, Maxime-Lior Windisch et Anais Alric

Photographie : Laurent Clément

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