Interview de Muriel Pécassou, directrice de la Mission Locale des Hauts de Garonne : « L’avenir de la jeunesse ne doit pas être sacrifié ! « 

1/ Pouvez-vous vous présenter auprès de nos lecteurs et évoquer votre fonction au sein de la Mission Locale des Hauts de Garonne-aussi nommée la Milo- ?
Créée en 1982, la Mission Locale des Hauts de Garonne, en Gironde, est une association loi 1901 à but non lucratif. Présente sur 46 communes de la Rive Droite bordelaise, elle exerce une mission de service public de proximité avec pour objectif essentiel de permettre à tous les jeunes de 16 à 25 ans (jusqu’à 29 ans pour les personnes en situation de handicap) de surmonter les difficultés qui font obstacle à leur insertion sociale et professionnelle. Elle a pour spécificité d’intervenir en milieu urbain (7 Quartiers Prioritaires Politique de la Ville) mais aussi en zone rurale.

Equipe de la Milo -2025-

Pour garantir un accompagnement de proximité, elle dispose de plusieurs lieux d’accueil. Le siège social à Cenon, 7 antennes et 23 permanences réparties sur le territoire afin de permettre à tous les jeunes d’accéder à la même offre de services, quel que soit leur lieu de résidence.
Pour mettre en musique cet accueil inconditionnel de proximité, un réel accompagnement global des jeunes et favoriser la dynamique territoriale, fondamentaux des Missions Locales, 53 salariés réalisent un travail de dentelle, du véritable sur mesure sous la houlette de Muriel Pécassou, directrice, de Catherine Veyssy, Présidente, et du Conseil d’Administration la Mission Locale.

2/ Quels sont les piliers de la Milo, ce qui fait son socle et sa force ? 
-Parlez -nous de votre travail en équipe- les fonctions de chacun, ainsi que des services diligentés auprès des jeunes ?

La Mission Locale accompagne les jeunes sur l’ensemble des dimensions de leur vie : orientation, formation, emploi, logement, santé, handicap, mobilité, citoyenneté, accès aux droits, culture, sport. Son approche globale prend en compte la réalité de chacun, ses forces, ses freins.

Concrètement, nous intervenons à différents niveaux :

-Mise en relation avec le monde économique pour favoriser l’insertion professionnelle.

Repérage, Accueil, Information, Orientation, Accompagnement

-Innovation et développement d’une offre de services permettant un accompagnement adapté aux besoins et attentes des jeunes

Mise en œuvre d’actions facilitant l’accès au droit commun, la participation et la
citoyenneté

Développement de partenariats avec des structures du territoire au bénéfice des
trajectoires des jeunes

Thierry Marty avec les jeunes en conférence de presse

Depuis la crise sanitaire, ces besoins se sont encore accentués : de nombreux jeunes ont vu leurs repères vaciller, leurs projets s’interrompre, leur confiance s’effriter. Plus que jamais, il est essentiel de leur offrir un espace d’écoute, de soutien et d’opportunités pour renouer avec leur avenir. Nous croyons que chaque parcours mérite une chance et qu’il suffit parfois d’un regard bienveillant pour transformer un destin.
« Seuls les jeunes qui trouvent un lieu où il leur est possible de « reglobaliser » une vie éclatée : école, rue, entreprise, logement, …, arrivent à se situer et à s’insérer dans la société ». Bertrand Schwartz – Fondateur des Missions Locales – Extrait du rapport de 1981.

3/ Une pétition a récemment été lancée. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? « L’insertion des jeunes n’est pas une dépense, c’est un investissement d’avenir. » Paroles de Thierry Marty, Président de l’Association Régionale des Missions Locales de Nouvelle Aquitaine, lors d’une conférence de presse régionale organisée à la Mission Locale des Hauts de Garonne pour alerter sur les conséquences du projet de loi de finances 2026.

Muriel Pécassou nous répond :

En effet, alors que la situation des jeunes en France continue à se dégrader fortement, avec l’augmentation de leur chômage et de leur précarité sociale et financière, le PLF 2026 prévoit une réduction jamais connue des moyens consacrés à leur insertion dans l’emploi et à leur accès à l’autonomie !
Si rien ne change, les chances de l’insertion professionnelle et sociale des jeunes vont dramatiquement régresser :

  • La remise en cause de l’apprentissage, avec la suppression totale des exonérations sociales mais aussi de l’aide à passer le permis de conduire pour les jeunes apprentis.
  • La diminution de 16 000 accompagnements des jeunes dans le cadre du Contrat d’engagement jeune.
  • La suppression de près de 20 000 postes dans les dispositifs d’insertion par l’activité économique correspondant à 60 000 personnes de moins accompagnés, dont les jeunes étaient en partie bénéficiaires.
  • L’arrêt de la plupart des contrats aidés
  • La baisse dramatique des allocations ponctuelles accordées aux jeunes dans le
    cadre de leur parcours d’insertion : moins 53 millions d’euros sur 2 ans !
  • La régression de près de 20% des crédits accordés aux Missions Locales sur 2 ans alors que le nombre de jeunes accompagnés, notamment des mineurs, augmente fortement en 2025 (+8% /+10% concernant les mineurs), avec de graves conséquences tant sur l’emploi de leurs salariés (-2 000 !) que sur la qualité de l’accompagnement des jeunes.
  • La vie associative sous pression : – 44 M€ pour les actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire, – 90 M€ pour le développement du service civique, – 65 M€ pour le Service National Universel, -20M€ pour les actions et dispositifs en soutien de la politique de la ville, – 45M€ pour la démocratisation artistique et culturelle, – 145 M€ pour le secteur du sport.
  • L’Investissement dans la formation professionnelle abandonné, en particulier pour les publics les plus éloignés de l’emploi.
  • Les ponctions de près de 4,8 milliards d’euros sur les crédits des collectivités locales, financeurs structurels des Missions Locales, vont aussi fortement impacter le financement de celles-ci !

4/ Quelles sont selon vous les succès récents remportés par la Milo et ses projets à
venir ?

Les succès se mesurent et se vivent chaque jour dans l’accès à l’autonomie des jeunes, la prise de confiance en soi, l’engagement citoyen, l’accès aux droits, à la culture, au sport, la détermination d’un projet professionnel, l’accès à la formation et bien sûr à l’emploi. Nous sommes les animateurs, à savoir les donneurs d’âme de dynamiques de projets coconstruites avec les jeunes, les partenaires locaux et collectivités locales et territoriales.
Au niveau de la Mission Locale des Hauts de Garonne, en 2024 ce sont :

  • 9 622 jeunes en contact
  • 1 551 jeunes en premier accueil (30 % de mineurs)
  • 3 580 jeunes accompagnés (19 % de mineurs)
  • 605 propositions en matière de logement
  • 2 772 propositions en matière de santé
  • 422 jeunes entrés en formation
  • 2 562 entrées dans les dispositifs d’état : Contrat d’Engagement Jeunes – CEJ (616) /
    Parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie – PACEA
    (672) / Parcours Personnalisé d’Accès à l’Emploi – PPAE (596) / Obligation de
    Formation – ODF (678)
  • 69 jeunes en service civique
  • 370 stages en entreprise
  • 160 entrées en alternance
  • 3 242 contrats de travail / 1 130 jeunes en emploi.

  • Avec les baisses budgétaires annoncées dans le cadre du PLF 2026, cumulées à d’autres baisses, ce sont 5 postes à temps plein qui ne seront plus financés au niveau de la Mission Locale des Hauts de Garonne. Si nous n’envisageons pas de licenciements, ce qui est loin d’être le cas pour d’autres Missions Locales sur le territoire national et d’Outremer, les conditions de travail des conseiller.ère.s en seront affectées et la qualité de l’accompagnement des jeunes dégradée : délais d’attente pour les rendez-vous plus longs, réduction des ateliers et activités proposées, diminution des aides d’urgence, accompagnement des publics précaires par des salariés également en précarité, etc… !!!
Elus et directeurs – conférence de presse –

5/ Vous avez produit cet été un court-métrage de sensibilisation « Main dans la main« , écrit, réalisé et joué par Frantz Maillart et Safia Bouadan en collaboration pour l’écriture avec Nicolas Guillaume. Comment est née cette initiative et où en est-elle actuellement ?

Il y a 20 ans, Frantz Maillart, franchissait les portes de la Mission Locale.
Grâce à un accompagnement bienveillant et des opportunités formatrices, il a pu se révéler, trouver sa voie dans le milieu artistique et bâtir une carrière de comédien.

Il a pu jouer entre autres dans des programmes et séries à succès tels que Groland Mag’zine – Canal +, Plus belle la vie – France 3, Les Mystères de l’amour – TMC.

En 2025, aujourd’hui âgé de 40 ans, il est revenu à la Mission Locale… cette fois-ci en tant que partenaire.
Avec sa société Mad in Frantz Prod, parrainée par Philippe Chevallier, il a co-réalisé et coscénarisé avec Safia Bouadan en collaboration écrite avec Nicolas Guillaume, le court-métrage  « Main dans la main  » , tourné au siège de la Mission Locale le
26 août 2025, pour sensibiliser les jeunes et leurs familles à l’existence de cette structure et à la force des rencontres qui changent une vie.
« La Mission Locale m’a mis le pied à l’étrier. Aujourd’hui, je veux à mon tour tendre la main aux jeunes, leur montrer qu’il existe des ressources pour avancer, quels que soient leurs rêves ou leur situation. » Frantz Maillart.

Avec de gauche à droite: Tom Bailly, Aurélien Gutierrez, Muriel Pécassou, Frantz Maillart, Safia Bouadan et Lily Jalby. Crédit photo Olivier Filipe -assistant-réalisateur, chef opérateur sur le film « Main dans la Main »-

La projection aura lieu le 11 décembre prochain à 19 heures au Rocher de Palmer, salle de spectacle emblématique de Cenon (33), en présence de la presse, des acteurs institutionnels, des partenaires locaux et de jeunes, renforçant ainsi la portée de ce format innovant et de l’importance du travail des Missions Locales.

Pour toutes inscriptions à la soirée gratuite de projection, contacter « Mme Muriel Pecassou » : Email -> muriel.pecassou@lamissionlocale.com/Téléphone -> 05.57.77.31.00

6/ Que voudriez-vous délivrer comme message en votre qualité de directrice de
la Mission Locale des Hauts de Garonne ?

L’accompagnement des jeunes, notamment des plus précaires, reste trop souvent perçu comme une dépense ajustable, et non comme un investissement d’avenir. Cette vision politique marquée par le court-termisme, je la combats.
Comment favoriser l’insertion de millions de jeunes aux métiers de demain si l’on n’a pas de vision stratégique à long terme ?
L’accompagnement de la jeunesse doit redevenir un investissement stratégique, central et durable pour l’économie et la société. En effet, il constitue un levier majeur pour des politiques publiques car il permet de renforcer la cohésion sociale et notre capacité à « faire société ».
Il est ainsi de notre responsabilité, en tant que structures associatives, de porter une parole humaniste : l’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes n’est pas un coût à couper en temps de disette, c’est un investissement stratégique et durable pour notre économie et notre cohésion sociale.
Par chance pour la Mission Locale des Hauts de Garonne, nos élus locaux et territoriaux l’ont bien compris et je les en remercie !

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